1. dé n.m. [ du lat. digitus, doigt ] Étui de métal destiné à protéger le doigt qui pousse l’aiguille lorsque l’on coud.2. dé n.m. [ du lat. datum, pion de jeu ] 1. Petit cube à faces marquées de points ou de figures, utilisé dans différents jeux : Agite le gobelet avant de lancer les dés.2. Élément de forme cubique : Des pommes de terre coupées en dés.Coup de dés, action dont la réussite est laissée au hasard.Les dés sont jetés, la décision est prise et on ne peut plus rien y changer.Maxipoche 2014 © Larousse 2013DÉ1 (dé) s. m.1° Petit morceau d’os ou d’ivoire, de figure cubique, marqué sur chaque face d’un différent nombre de points, et servant à jouer Jeter les dés. Dés pipés, dés qu’on a préparés pour tricher au jeu. Dés chargés, dès qui, garnis d’un petit poids dans leur intérieur, tombent de préférence sur un côté déterminé. Je dis que l’on doit faire ainsi qu’au jeu de dés, Où, s’il ne vous vient pas ce que vous demandez, Il faut jouer d’adresse et d’une âme réduite Corriger le hasard par la bonne conduite [MOL., Éc. des f. IV, 8] Un fatal jeu de dés dont la fureur les possédait, noircissait leur esprit et absorbait leur âme [MARMONT., Mém. liv. VII, t. II, p. 206, dans POUGENS] Chacun après le dé vous montre comment il fallait jouer [P. L. COUR., Lett. I, 129] Voyons si la vertu n’est qu’une sainte erreur, L’espérance un dé faux qui trompe la douleur [LAMART., Harm. IV, 11] Coup de dé ou coup de dés, le nombre de points qu’on amène en jetant une fois les dés ; et, figurément, coup de hasard. Ma fille, il ne s’en faut qu’une tête qu’elle [une terre] soit à vous ; ce serait un beau coup de dé [SÉV., 349] Elle peut vous valoir beaucoup, elle peut vous valoir très peu ; tout est coup de dé dans ce monde [VOLT., Lett. Thiriot, 4 mars, 1769] Avoir le dé, être le premier à jouer. À vous le dé, c’est à vous de jouer ; et, figurément, à vous le dé, c’est à vous de parler, d’agir. À vous le dé, monsieur [c’est de vous qu’il s’agit] [MOL., Mis. V, 4] Fauteuil vacant à la deuxième classe, On meurt souvent parmi ces immortels, à vous le dé…. [MILLEV., Épigr. Fauteuil acad.] Tenir le dé, avoir les dés en main pour jouer ; et, figurément, tenir le dé dans la conversation, s’en rendre maître, la diriger. …. L’on est chez vous contrainte de se taire : Car madame, à jaser, tient le dé tout le jour [MOL., Tart. I, 1] Silly tenait le dé du raisonnement et de la politique [SAINT-SIMON, 136, 262] Quitter le dé, abandonner les dés qu’on tient à la main ; et, figurément, ne vouloir pas tenir ce qu’un autre veut jouer. Faire quitter le dé, faire abandonner les dés par le joueur qui les tient pour qu’ils passent à un autre, et, figurément, faire quitter le dé à quelqu’un, obliger quelqu’un à renoncer à une entreprise. Rompre le dé, c’est brouiller le dé avant qu’on ait vu ce qu’il porte ; et, figurément, rompre le dé à quelqu’un, faire avorter ses desseins, ses entreprises. Flatter le dé, jeter doucement les dés dans l’espoir de n’amener qu’un petit nombre de points ; et, figurément, ne pas parler franchement et librement de quelque chose, adoucir quelque chose de fâcheux. Le dé en est jeté, la résolution en est prise. Fig. et familièrement. Je jetterais cela à trois dés, je jouerais cela à trois dés, c’est-à-dire le choix entre ceci ou cela m’est tout à fait indifférent, et je m’en remettrais volontiers au hasard pour choisir. Au plur. Dés, jeu de dé. Pierre le bon enfant aux dés a tout perdu [RÉGNIER, Sat. XI] 2° Synonyme de domino, au jeu qui porte ce nom ; synonymie qui vient de ce qu’il y a une grande analogie entre les dés et les dominos qui sont en quelque sorte des dés étendus. Je n’ai plus que deux dés. Couvrir, boucher, fermer un dé, mettre, par exemple, du six contre du six. Ouvrir un dé, le faire paraître pour la première fois. Jouer à dé forcé. Rendre le dé, remettre à son partner du six, par exemple, s’il a déjà ouvert le six. 3° Terme d’architecture. La partie cubique d’un piédestal. Petits cubes de pierre qu’on place sous des poteaux, des colonnes, des vases pour les isoler de terre. 4° Dé de drapeau, garniture en métal à l’extrémité inférieure de la hampe d’une enseigne. 5° Plaque de cuivre percée d’un trou circulaire, qu’on adapte aux rouets des bois des poulies pour recevoir l’axe. Morceau de bois percé de trous dans lesquels l’orfévre enfonce au marteau les pièces d’argent qu’il veut rétreindre. Terme de vitrier. Espèce de compartiment de panneau. Terme de marine. Plaque percée pour exécuter les coutures des voiles. Diverses chevilles ou tampons. Terme de typographie. Morceau d’acier qui se place dans la grenouille d’une presse et reçoit le pivot de la vis. REMARQUEDelille a écrit dez, comme on faisait dans le XVIIe siècle : Dans le cornet fatal le dez a retenti, [DELILLE, Imag. II] HISTORIQUEXIIe s. Quant cil denier serunt despendu e alé, E en malvaises genz et en guerre guasté, Malvaisement conquis, malement alué, Li dé serunt mult tost sur ambes as turné, Qui unt esté sovent sur sines [le six] ruelé [, Th. le mart. 157] XIIIe s. Je cuit et croi vos dites voir ; Jà por ce n’ert li dez changiez [, Ren. 3229] Bien me seront li dé changié, Quant por ce que j’aurai mangié, M’aura Diex issi estrangié De sa meson [, Fab. mss. n° 7218, f° 299, dans LACURNE] XIVe s. Et dient les expositeurs que tetragone est un corps quarré comme un dey [ORESME, Eth. 24] Sire, ce dit Bertran, qu’avez-vous empensé ? Visez-vous à l’avoir ? je n’y acompte un dé [, Guesclin. 15930] J’ai dez du plus, j’ai dez du mains [moins], De Paris, de Chartres, de Rains ; Si en ai deuz, ce n’est pas gas [plaisanterie], Qui au hocher chieent [tombent] sor as [, Dict. du mercier, dans DE LABORDE, Émaux, p. 247] XVe s. [Le prud homme] s’en vint à la porte de Gand, où les gardes veilloient, et là les trouva jouant aux dés [FROISS., II, II, 213] Fortune fait souvent tourner Les dez contre moi malement [CH. D’ORL., Ball. 45] XVIe s. Que n’entreprendroit-il [l’homme], puis que la brefveté qui luy coupe le chemin et luy rompt le dé, comme l’on dict, et l’incertitude d’icelle [la vie] qui oste tout courage, ne le peust arrester, vivant comme s’il avoit tousjours à vivre ? [CHARRON, Sagesse, I, 36] ÉTYMOLOGIEProvenç. dat, datz ; catal. dau ; espagn. portug. et ital. dado ; d’après Ménage, du latin dare, dans le sens de jeter : datum, ce qui est jeté sur la table ; d’après Golius, de l’arabe dadd, jeu. De ces deux étymologies, la première est de beaucoup la plus vraisemblable. DÉ2 (dé) s. m.1° Petit cylindre de métal ou d’ivoire, qu’on met au bout du troisième doigt pour pousser l’aiguille. Un dé d’argent. 2° Terme de botanique. Dé à coudre, agaric campanulé. HISTORIQUEXIVe s. Dans un lexique : theca, gallice deis et deaul, id quod mulier habet in digito [DU CANGE, digitarium.] Sa ceinture et sa tasse en la quelle avoit un del à cueuldre [ID., ib.] Deel à mettre ou doi pour queudre [ID., digitabulum.] XVe s. Plus becquetéz d’oyseaulx que dez à couldre [VILLON, Épitaphe en ball.] ÉTYMOLOGIEBerry, diau ; espagn. dedal ; ital. ditale ; romagnole, didel ; du latin digitale, de digitus (voy. DOIGT). L’ancienne forme française est deel, contracté en del, et confondu par assimilation avec dé à jouer. Quand on rapproche les formes romanes de dé à coudre et dé à jouer, d’une part dat, dado, et d’autre part dedal, ditale, deel, on voit tout de suite combien elles divergent. Émile Littré’s Dictionnaire de la langue française © 1872-1877de DE. préposition qui sert à marquer proprement : 1° Un rapport de départ, d’extraction, d’origine, etc.; 2° Un rapport de possession, de famille, de nombre, de matière, etc.; 3° Elle sert aussi à former le complément d’un grand nombre d’adjectifs, le complément indirect de beaucoup de verbes; 4° Elle tient lieu encore de diverses autres prépositions; 5° Elle est quelquefois simplement explétive et donne lieu à divers gallicismes. I° Dans le sens propre, DE sert à marquer un Rapport de départ, de séparation, d’extraction, de dérivation, d’origine, etc. Il arrive de Londres. D’où vient-il? Se mouvoir de haut en bas, de bas en haut. Descendre de chenal. S’éloigner de quelqu’un. Ôtez-vous de là. S’écarter de la ligne droite. S’écarter de la route. Partir d’un lieu. Aller d’une ville à une autre, de ville en ville. L’espace qui s’étend du fleuve à la montagne. Une chose transmise de père en fils, de génération en génération. Arracher un clou de la muraille. Les mots qu’on a retranchés de ce passage. L’huile qu’on extrait des olives. Le marbre qu’on tire d’une carrière. Que conclure, qu’inférer de cette réponse? Je l’ai reçu de ses mains. Regarder, considérer, etc., du haut d’une montagne, de près, de loin, d’en bas, etc., Diriger ses regards vers un objet du haut d’une montagne, d’un lieu qui est proche, qui est loin, etc. On dit dans un sens analogue Parler de loin, de près. Écouter de loin, de près, etc. Il s’emploie d’une façon particulière pour distinguer les noms propres désignant des familles nobles, ordinairement empruntés au lieu d’origine, à quelque particularité locale, à une terre, etc. Henri de La Tour d’Auvergne. Madame de Maintenon. Monsieur de Caylus. Dans la plupart de ces dénominations, il y a ellipse d’un titre de noblesse. Madame (la marquise) de Maintenon. Monsieur (le comte) de Caylus. Il se prend quelquefois comme nom par allusion au sens qui précède. Mettre le de devant son nom. Cet emploi est familier. Il sert principalement à marquer la Relation d’une distance ou d’une durée quelconque avec le lieu, avec l’époque où elle commence. Paris est à trente lieues d’Orléans. Il était loin de moi, près de moi, auprès de moi, à deux pas de moi, à quelque distance de moi. Il se vit à deux doigts de sa perte. Distant de… Voisin de… Proche de… Approcher, s’approcher de… De la tête aux pieds. Nous verrons bien des choses d’ici à ce temps-là, d’ici là. D’aujourd’hui en huit. Du jeudi au dimanche. Du matin au soir. De temps en temps. D’heure en heure. De moment en moment. Ils étaient de vingt à vingt-cinq, Leur nombre était entre vingt et vingt-cinq. Je serai chez vous de cinq heures à six, Je serai chez vous entre cinq et six heures. Il s’emploie également dans certaines locutions pour marquer une Relation qui est entre les personnes ou les choses. Il y a une grande différence de l’un à l’autre, de cet homme à celui-là. Différer du tout au tout. Traiter de puissance à puissance, d’égal à égal, de pair à compagnon, de Turc à More, etc. De vous à moi cela ne peut souffrir aucune difficulté. Fam., Ceci est de vous à moi, ceci de vous à moi, Ceci doit rester secret entre vous et moi. Il indique aussi le Rapport d’une portion ou fraction à la totalité, souvent avec l’idée accessoire de retranchement ou d’extraction (et toujours avec complément déterminé). Le tiers, le quart, la moitié de la somme. Il perdit une partie de sa fortune, et, dans un sens analogue, la totalité de sa fortune. Une portion, une partie du territoire. Le reste du temps. Il fait partie de cette assemblée. Donnez-lui un morceau de ce pain. Prenez quelques gouttes de cette potion. Cela n’a rien diminué de sa gloire. Quel est le plus habile de ces deux hommes? ou (en considérant à part l’un de l’autre les termes comparés et en redoublant la préposition) Quel est le plus habile, de cet homme-ci ou de celui-là? Il envoya dix hommes de sa troupe. De deux choses l’une. De deux jours l’un. De tous les pays que j’ai parcourus, aucun ne m’a paru plus beau que la France. On doit rapprocher les locutions Rien du tout, Point du tout, Pas du tout, Pas la moindre chose prise sur le tout. Il a très souvent le sens partitif de Quantité vague, nombre indéterminé. Prendre de la nourriture. Manger de la viande, de bonne viande. Boire du vin, de bon vin, du vin vieux. J’ai de bon tabac. De l’eau bonne à boire. Des soldats braves. De braves soldats. Ce sont de bonnes gens. C’étaient de jeunes et jolies femmes. C’étaient de jeunes fous. Dire de bonnes plaisanteries. Dire de bons mots. Prendre des oiseaux. Donner de l’argent. Je veux du bon, du beau, du neuf, du solide, etc. Il y a des hommes ainsi faits. Il est des moments où… Si j’ai de l’argent, ce n’est pas pour l’aventurer follement. Le pluriel Des a quelquefois le sens de Plusieurs. Il a été des années sans le voir. On y voit des milliers d’arbres. Dans les phrases négatives, DE partitif équivaut à peu près aux mots NUL, AUCUN, mais alors le nom qui le suit est sans article. Je n’ai de volonté que la tienne. Je ne connais pas d’homme plus importun. Parler sans faire de fautes. Il n’a point tué d’ennemis. Ne pouvoir souffrir de rival, de rivaux. N’avez-vous point d’enfants? N’avoir plus d’amis, de bien. Quelquefois la phrase a un tour négatif et un sens positif. Dans ce cas, le nom qui suit DE doit toujours être précédé de l’article. N’avez-vous pas de la santé, de la fortune, des amis? que vous faut-il de plus? Il ne peut parler sans faire des fautes. Il sert également dans certaines locutions à marquer Conformité. Je suis de votre avis. Cela n’est pas de mon goût. Les cérémonies d’usage. Ce mot n’est d’usage que dans telle phrase. Cela n’est plus de mode. Cela n’est pas de la bienséance. Cela n’est pas de jeu. Je sais ce qui est de mon devoir. Comme de raison. Comme de juste. De l’aveu de tout le monde. C’est de mon consentement qu’il a fait cela. Il est de fait que… On dit à peu près de même Cela est de rigueur. Être de mise, etc. De par le roi. Formule qui signifiait Au nom du roi et qui se mettait au commencement de divers actes publics portant sommation, injonction, etc. On mettait aussi, en tête des jugements qui autorisaient la saisie ou la vente des biens meubles et immeubles, De par le roi, la loi et justice. II° DE sert à marquer Appartenance, dépendance. 1° Avec un complément déterminé, c’est- à-dire qui indique d’une manière précise telle personne ou telle chose. Le livre de Pierre. La maison de mon frère. La patrie, le nom, la condition, la profession d’une personne. La miséricorde de Dieu. Les actions de quelqu’un. Le siècle de Louis XIV. Le roi de France. Les habitants de Paris. Les arbres des forêts. Les soldats d’une compagnie. Les animaux de telle classe. Un homme du peuple. Les gens de sa profession. Les hommes de l’art. La qualité, la nature, l’essence, la matière d’une chose. La force du lion. La beauté d’une femme. Les charmes de la vertu. Le sujet d’un discours. Le sens d’un mot. La largeur d’un fleuve. La couleur d’une étoffe. La dureté du fer. Le bruit du canon. La lumière du soleil. L’importance d’une affaire. L’agrément d’un séjour. C’est là le propre, le fait d’un ignorant. Elliptiquement, Cela n’est pas d’un honnête homme, Cela n’est pas le propre ou l’action d’un honnête homme. 2° Avec un complément indéterminé, c’est- à-dire qui n’indique la personne ou la chose que d’une manière vague et générale : Ménage de garçon. Bien de famille. La qualité d’ambassadeur. La profession d’avocat. Caprice d’enfant. Nom d’homme. Nid d’aigle. Poisson de rivière. Eau de fontaine. Voix de femme. Tableau de genre. Pièce de canon, d’artillerie. Excès de chaleur. Couleur d’or. À cet emploi se rapportent plusieurs locutions particulières, telles que : Au lieu de. En vertu de. À titre, en qualité de. À l’égard de. À propos de. À cause de. En conséquence, par suite de. En présence de. À côté de. Au travers de, etc. Nous allons présenter séparément chacun des rapports divers qui ont plus ou moins d’analogie avec celui d’Appartenance, de dépendance. 1° Rapport d’une chose à celui qui l’a faite, produite, etc. Les tragédies de Corneille. Les tableaux de Raphaël. 2° Rapport d’une personne ou d’une chose au lieu d’origine; d’une chose au lieu où elle a été faite, où elle s’est passée, etc. Denys d’Halicarnasse. Le vent du nord, du sud. Du vin de Champagne. Un foulard des Indes. Le concile de Trente. La bataille d’Austerlitz. 3° Rapport au temps, à l’époque. Les institutions du moyen âge. Du vin de telle année. Les moeurs du temps. Les hommes d’à présent, d’aujourd’hui. 4° Rapport à la cause (presque toujours avec complément indéterminé) Pluie d’orage. Acte de dévouement. Trait de courage. Mouvement d’impatience. Cri de douleur. Accès de fièvre. Larmes de plaisir. Tour de faveur. 5° Rapport à l’instrument (surtout avec complément indéterminé). Coup de bâton. Coup de fusil. Trait de plume. Signe de tête. Serrement de main. 6° Rapport d’une personne à une autre, établi par les liens du sang, par quelque alliance, par les sentiments, le devoir, les conventions, etc. Le père d’Alexandre. Le fils de mon ami. L’oncle, le cousin de ma femme. La femme, la veuve d’un tel. Les héritiers du défunt. Les disciples de Socrate. Les amis, les ennemis d’une personne. L’aide de camp d’un général. 7° Rapport d’une chose à ce qu’elle concerne, à son objet, à sa fin, à son but. Le Ministère de la Justice. L’Administration des Postes. Une société d’assurance. Le commerce des grains. La jouissance d’un bien. Le droit de chasse. La composition d’un ouvrage. La nouvelle d’un événement. La défense d’un accusé, d’une doctrine. Voeu de chasteté. Traité de paix. Acte de vente. Certificat d’origine. Le souvenir d’un événement. Inspirer à quelqu’un l’horreur du vice, la haine des méchants, le mépris des richesses, l’amour du vrai, du juste, etc. On doit rapporter à cet emploi les locutions telles que Le ministre de la Justice, le directeur des Postes, les assureurs d’un navire, le possesseur d’une chose, l’auteur d’un livre, d’un tableau, des rivaux de gloire, et leurs analogues. 8° Rapport particulier au sujet traité, à la chose expliquée, enseignée, etc. Le titre des successions. Dictionnaire des rimes. Cours d’histoire, de droit. Leçons de dessin, de danse, etc. On dit en des sens analogues Professeur d’histoire. Maître de danse, etc. 9° Rapport à la destination habituelle ou momentanée (surtout avec complément indéterminé). Salle de spectacle. Place d’armes. Cour de justice. Port de mer. Habit de cérémonie. Vêtement d’homme, de femme. Chien de chasse, d’arrêt. Pierre de touche. Valet de pied. Les hommes de garde, de service, de corvée, etc. On dit dans un sens analogue Être de garde, de service, etc. 10° Rapport à la profession (presque toujours avec complément indéterminé). Un homme de cabinet, de lettres. Un homme de guerre, d’épée. Un homme de peine. Une femme de ménage. 11° Rapport à la condition (presque toujours avec complément indéterminé). Un homme de qualité, de condition. Un fils de famille. Un homme de basse extraction. Un homme de peu, de rien. 12° Rapport d’une personne ou d’une chose à ce qui la modifie et la distingue, à sa qualité, à sa nature, etc. Un homme de haute taille. Une personne de mauvaise mine. Un homme de génie, de courage, de bonne volonté. Un enfant d’un bon naturel. Une rivière de peu de largeur. Une chose de même grandeur, de la même grandeur qu’une autre. Affaire d’importance. Marchandises de bonne, de mauvaise qualité. Remède d’un effet sûr. Étoffe de durée. Robe de couleur. Fruit de forme ronde. Poudre de senteur. 13° Rapport particulier d’une personne ou d’une chose à ce qui constitue sa dimension, sa valeur, sa durée, sa force, etc. Un homme d’un mètre quatre-vingt-cinq. Une pièce de vingt francs. Une dot de cent mille francs. Une armée de cent mille hommes. Une maison de cinq étages. Un vers de dix syllabes. Un enfant de six mois. Un froid de dix degrés. 14° Rapport du contenant au contenu. Une bouteille de vin. Une tasse de café. Un panier de fraises. 15° Rapport de la partie au tout, à l’ensemble. Avec complément déterminé : La main d’une personne. Le derrière de la tête. Le bout du doigt. La lame d’une épée. Le pied d’une montagne. Les colonnes d’un temple. Le commencement, la fin, le milieu, l’extrémité de quelque chose. Avec complément indéterminé : Une lame d’épée. Une main de femme. Une branche d’arbre, etc. 16° Rapport d’une chose à ce dont elle est formée (toujours avec complément indéterminé). Une goutte d’eau. Une prise de tabac. Un morceau de pain. Une pièce de terre. Une somme d’argent. Un escadron de hussards. Un couple de pigeons. Une classe d’animaux. Un recueil de poésies. Les expressions de quantité forment avec la préposition De un grand nombre de locutions, qui toutes se rapportent à cet emploi. Beaucoup d’argent. Trop de richesses. Assez de pouvoir. Peu de bien. Plus de monde. Moins de ressources. Combien de soldats. 17° Rapport particulier d’une chose à la matière dont elle est faite. Une porte de bois. Un pont de pierre. Une barre de fer. Une tabatière d’or. Une table de marbre. Un habit de drap. Un lit de plume. Un collier de perles. C’est un homme de chair et d’os comme vous et moi. On dit figurément Un coeur de roche. Un bras de fer. DE s’emploie, dans certaines locutions consacrées, pour exprimer l’Excellence d’une chose sur toutes les autres choses de même nature; en termes d’Histoire Sacrée, Le Saint des saints, Le lieu le plus saint du temple. Le Cantique des cantiques, Le cantique par excellence. Vanité des vanités, La plus grande des vanités. Dans le style élevé, L’Être des êtres, L’Être suprême, etc. On dit, dans un sens analogue, Le fin du fin. Il sert quelquefois à déterminer les noms qui désignent une Personne considérée par rapport à une certaine qualité. Possesseur de fait. Héritier de droit. Il n’était roi que de nom. Anglais d’origine. Français de coeur. Il est chirurgien de profession, de sa profession. On dit à peu près de même Possession, gouvernement, puissance de fait. Il se met encore, dans le discours familier, après un nom, ou après un adjectif qui peut être employé comme nom, pour joindre ces mots avec le nom de la personne ou de la chose qu’ils qualifient. Ce diable d’homme. Quel chien de métier! Un fripon d’enfant. Un drôle de corps. Une drôle d’affaire. III° DE précède également le mot ou les mots qui servent à déterminer, à préciser la signification d’un adjectif. Plein d’eau. Vide de sens. Bien fait de sa personne. Doux et humble de coeur. Perclus de tous ses membres. Large de six mètres. Âgé de trente ans. Digne d’envie, d’estime, de louange. Sûr de son fait. Responsable de quelque chose. Avide de gain. Jaloux des succès d’autrui. Après un verbe, il introduit souvent le nom qui indique la Matière, l’instrument, le moyen, l’objet indirect de l’action, la cause, etc. Il a fait de ce bloc une statue admirable. Il veut faire de son fils un avocat. Faire de nécessité vertu. Déjeuner d’un pâté. Frapper du pied la terre, le plancher. Se servir d’un couteau. S’armer de résolution. User d’adresse. Payer de ses deniers. Payer de sa personne. Envelopper de paille. Frotter d’huile. Charger de marchandises une voiture, un bateau. Dépouiller quelqu’un de ses habits. Combler de pierres un fossé, un puits. Élever de plusieurs pieds une digue, une muraille. Accabler de coups, de reproches. Pourvoir des choses nécessaires. Priver quelqu’un de ses biens, de la vue. Accuser d’un crime. Enflammer de courroux. Ravir de joie. Toucher de compassion. Souffrir de la goutte. Souffrir des yeux, de la poitrine. Mourir de faim. Trembler de peur. Il sert quelquefois â introduire l’attribut du complément d’objet d’un verbe transitif. Traiter quelqu’un de lâche, le qualifier de traître; se qualifier de prince, etc., Appeler quelqu’un traître, lâche; prendre le titre de prince, etc. On dit de même Taxer de folie, de sottise, etc. Souvent DE est suivi d’un infinitif, lorsqu’il sert, comme dans les divers exemples qui précèdent, à déterminer les mots qui expriment une action, une qualité. On l’accusa d’avoir conspiré. Je vous charge de lui écrire. Faites-leur signe d’approcher. S’efforcer de marcher. Il s’excusa d’y aller. Se repentir d’avoir trop parlé. Désespérer de réussir. S’ennuyer de lire. Il se place de même entre certains verbes transitifs et l’infinitif qui indique l’objet direct de l’action. On lui conseilla de partir. Négliger d’écrire. Se proposer de faire une chose. Dites-lui de venir. Avant que l’orateur eût commencé de parler. Il ne laissa pas de le faire. Il mérite d’être admis. Plusieurs verbes, tels que Commencer, continuer, etc., se construisent, devant l’infinitif, tantôt avec la préposition De, tantôt avec la préposition À. Il concourt pareillement, avec l’expression qu’on lui donne pour complément, à indiquer la Manière dont une action se fait, s’exécute, et quelquefois pour exprimer un état. Faire entrer quelqu’un de force. Frapper d’estoc et de taille. Jouer de bonheur, de malheur. Boire d’un seul trait. Franchir d’un saut, d’un bond. Être de travers. Regarder de côté. Parler d’abondance. Répondre de vive voix. D’une voix unanime. Peut-on se comporter de la sorte? Je m’y prendrai de telle manière. De façon ou d’autre. Tous deux étaient d’intelligence. Ils ont agi de concert. Agir de soi-même, de son chef, de son propre mouvement. Aimer de tout son coeur. Cela va de soi. Posséder de fait. Succéder de droit, de plein droit. IV° DE a quelquefois pour complément le mot qui désigne la Personne ou la Chose d’où part l’action qu’éprouve une autre personne, une autre chose; et alors il équivaut à la préposition PAR. Se faire suivre de ses gens. Ce mot est quelquefois précédé de tel autre. Il voulait n’être vu de personne. Je ne suis pas connu de vous. Se faire aimer, se faire bien venir, se faire haïr de quelqu’un. Il est respecté de tous. Il s’emploie aussi après beaucoup de verbes, ou de locutions qui en tiennent lieu, dans le sens des mots Sur, touchant, concernant, relativement à. Je l’informerai de votre arrivée. Ce mot se dit de telle chose. Que pensez-vous de cela? Médire de quelqu’un. S’ingérer, se mêler des affaires d’autrui. Parler d’une affaire. Trafiquer, faire trafic de quelque chose. Décider du sort de quelqu’un. Traiter de la paix. Il ne s’agit point, il n’est point question de cela. Répondre de quelqu’un. Désespérer de sa guérison. Se méfier de quelqu’un. Féliciter quelqu’un d’un succès. Se repentir d’une faute. Se plaindre de quelqu’un. Faire justice d’un traître. Différer d’avis. Justifier de sa qualité. Rendre compte de sa gestion. Demander réparation d’une injure. Faire fi de quelque chose. Cela fait foi de ce que j’ai avancé. Il en sera de cela comme du reste. Pour ce qui est de lui. C’est fait de nous. Il y va de ma vie. Ce chapitre traite de telle matière. La peste soit du maladroit! etc. Souvent, dans les titres d’ouvrages, de chapitres, etc., tout ce qui précède la préposition est sous-entendu; ainsi on dit simplement De la chasse, Du théâtre, etc. pour dire Ouvrage, chapitre, article qui traite, où il est parlé de la chasse, du théâtre, etc. Fam., On dirait d’un fou, etc. Voyez DIRE. Devant le mot Côté désignant un lieu, un endroit ou une face de quelque objet, De reçoit plus fréquemment une valeur analogue à celle de Vers, dans, à, sur. Mettez-vous de ce côté-ci, vous verrez mieux. Il est allé du côté d’Orléans. Voulez-vous que nous passions de l’autre côté? Regardez bien de ce côté. Cette robe est plus longue de ce côté que de l’autre. On en rapproche les locutions suivantes : De côté et d’autre. D’un côté… de l’autre ou d’un autre. D’une part… d’autre part. D’une et d’autre part. De mon côté, Pour ce qui me regarde. Se ranger, se mettre du parti de quelqu’un, Embrasser son parti. DE entre aussi dans plusieurs locutions adverbiales, ou autres, qui indiquent une Certaine époque ou une certaine durée. Nous partîmes de nuit, de jour. Je sortis de bonne heure. De grand matin. De présent (en termes de Procédure). Du vivant d’un tel. C’était bien autre chose de mon temps. De tout temps il en fut ainsi. Il ne viendra pas d’aujourd’hui. Il ne m’a pas quitté de tout le jour. Je ne le reverrai pas de huit jours. De ma vie je n’ai vu pareille chose. De mémoire d’homme. DE sert quelquefois à unir le nom commun d’une chose avec le mot ou l’expression qui la distingue de toutes les autres choses semblables. La ville de Paris. Le fleuve du Rhône. Le mois de septembre. La comédie du » Misanthrope « . Le mot de gueux est familier. Le cri de Vive le roi! Souvent, DE précède un infinitif pour remplacer un mode personnel au passé. L’action est exprimée ainsi avec plus de vivacité. C’est ce qu’on appelle l’infinitif de narration ou l’infinitif historique. Aussitôt les ennemis de s’enfuir et de jeter leurs armes. Il s’éloigna tout honteux, et nous de rire. Lorsqu’un infinitif est placé après le verbe dont il est le sujet, il est précédé régulièrement de la préposition De. On dit Mentir est honteux et Il est honteux de mentir. C’est folie, c’est être fou que d’entreprendre cela. C’était peu pour lui d’avoir obtenu cet avantage. C’est à vous qu’il appartient de l’interroger. Il est juste de le récompenser. Il convient d’agir promptement. Il importe de le savoir. Il suffira de vous dire que… Il entre dans ses vues de leur laisser ignorer cela. À quoi sert-il de dissimuler? ou simplement Que sert de dissimuler? L’essentiel, le principal, le plus sûr est d’agir ainsi, de faire telle chose. V° DE, précédant un adjectif, un participe passif, etc., est explétif et peut ordinairement se résoudre par un pronom relatif suivi du verbe Être. Il y eut mille hommes de (qui furent) tués. Il y a dans ce qu’il dit quelque chose de (qui est) vrai. Y a-t-il quelqu’un d’assez (qui soit assez) ignorant pour… Je ne vois rien là de (qui soit) bien étonnant. A-t-on jamais entendu rien de (qui soit) pareil? Sa conduite n’a rien de (qui soit) noble. Rien de (qui soit) plus simple que cela. Je ne vois rien là de (qui soit) mieux. Sinon, rien de fait (qui soit fait, arrêté, conclu). Pour toutes les autres locutions, telles que D’avance, d’abord, d’ailleurs, du moins, de suite, du reste, de plus belle, de nouveau, d’ordinaire, de grâce, de retour, etc., voyez les différents articles des mots qui accompagnent la préposition. Coup de dés, Le nombre de points que l’on amène en jetant une fois les dés. Un beau coup de dé, Un heureux hasard. Fig. et fam., C’est un coup de dés ou de dé, C’est une affaire où le hasard aura beaucoup d’influence. Jouer sa fortune sur un coup de dé, La risquer dans une entreprise hasardeuse. Fig. et fam., Tenir le dé dans la conversation, Se rendre maître de la conversation. Fig. et fam., Faire quitter le dé à quelqu’un, rompre le dé, Obliger quelqu’un à céder, à renoncer à quelque entreprise. Fig. et fam., Le dé en est jeté, se dit en parlant d’un Parti pris, de la résolution où l’on est de faire une chose, quoi qu’il puisse arriver. Fig. et fam., À vous le dé, C’est à vous à parler, à répondre, à agir. Fig., Les dés sont pipés, Les choses ont été préparées pour que le jeu ne soit plus loyal; il y a de la tromperie, de la tricherie. Par extension, en termes d’Arts, il désigne Toutes sortes d’objets ou de dispositifs qui en rappellent la forme, tels que la Partie cubique d’un piédestal; les Petits cubes qu’on place sous des poteaux, des colonnes, des vases, etc., pour les isoler de terre; le Petit bloc de cuivre ou de fonte qu’on fixe au centre d’une poulie pour en recevoir l’axe, etc. On dit aussi Dé à coudre pour le distinguer du Dé à jouer. De, Est une diction indeclinable, et tantost est preposition locale, comme, Je viens de Paris, Venio Lutetia, Tantost de temps, comme, de cent ans en ça on ne vid telle chose, Centum ab hinc annis nil tale visum, Tantost materielle, comme, Ma chainne est d’or, Torques meus ex auro est, Ceste statuë est de marbre, Haec statua marmorea est, Tantost est prinse pour ces prepositions Latines, A, Ab, E, Ex, comme, Je l’ay entendu de plusieurs, A multis audiui, De ceux-la, Ex illis, De Davus, De Dauo. Tantost est marque de possession, appartenance et dependance, comme, La maison de Pierre, AEdes Petri, Ce portique est de la ville, Haec porticus ciuitatis est, Ceste queuë est de ce veau, Haec cauda vituli huius est. Et à ceste cause est article du genitif, comme, de Pierre, Petri. Mais par les anciens, et aucuns modernes, et par aucuns peuples de ce royaume, elle estoit et est rejettée aux genitifs mis en regime et construction (comme disent les Hebrieux) disants, La venuë Jesus Christ, pour dire de Jesus Christ, et ainsi en use ordinairement Nic. Giles en ses Annales. Or estant mise seule, elle sert d’article au genitif envers les dictions significatives d’individuës, comme, Le chappeau de Pierre, Vmbella Petri, La femme de Jaques, Vxor Iacobi, La ceinture de Agnes, Cingulum Ignatiae, Estant accompagné de l’article de la diction où elle est premise, elle sert aussi envers les dictions significatives d’especes ou genres, comme, Le chaulme de l’avoine, Calamus aut stipula auenae, Le chanvre de la corde, Canape restis, voyez Du, Est prinse aussi pour à, ou en, comme de ce temps-la, pour, En ce temps-là, Tunc temporis, Et quand elle est en composition, elle change aucunement la signification du verbe auquel elle est accouplée, comme, Debattre, Desmentir, qui signifient quereler, contrarier ou agiter, reprocher la mensonge, là où battre et mentir signifient frapper et dire mensonges. Par où il appert qu’elle n’est pas destructive de la signification du verbe qui est joinct à elle, en quoy elle differe de la diction Des, laquelle apporte aux dictions qui sont composées avec elle signification contraire, comme desfaire, desconforter etc. Et posé que la prononciation Françoise n’y face difference quand les dictions qui luy sont joinctes par composition, commencent par consonante, comme desfaveur, desservice: si est-ce que là où les dictions joinctes à icelles commencent par voyele ou aspiration, la difference y est toute apparente, comme desordre, des-honneur, l’Espagnol et l’Italien n’ont aucun esgard aux dictions commençants par consone, et prononcent apertement, Disleal, Disfato, tout ainsi qu’ils l’escrivent. De aussi se prend pour Par, comme, Oncquesmais nul si beau don ne fut donné de Prince, c. par aucun Prince, Et le Chastelet de Paris et aucuns autres sieges, retiennent encores ceste forme de parler, la sentence, ou appoinctement donné de nous, c’est à dire, par nous. Le jugement donné de vous entre les parties, c’est à dire par vous Prevost de Paris ou vostre Lieutenant. De aussi augmente la signification d’aucunes dictions ausquelles elle est composée, comme en Detailler, Dérompre, Detail, Denombrement et semblables, lesquelles sont de plus effective signification que Tailler, Rompre, Taille, et Nombrement, et a en soy energie de penitus, omnino, ou funditus dictions Latines, Dehacher, hacher du tout et en pieces. De mon temps, Mea aetate. De tout temps, Ab omni aeuo. De prime face, Prima facie, Ce que Quintilien au livr. VII. chap. 11. dit Prima fronte, et le Languedoc n’en faisant qu’un seul mot, De primfront par apocope de la voyele A, c’est à dire d’abordée, d’entrée de primsaut, Primo congressu, mox in initio, Et la raison de ces deux manieres de parler, est celle qui est en l’oraison de Ciceron, In Pisonem oculi, supercilia, frons, vultus denique totus, qui sermo quidam tacitus mentis est, hic in fraudem homines impulit, etc. Et par ce que l’homme monstre autant de visages comme il a de passions en l’ame, car la peur ne le monstre tel que l’asseurance, ne la tristesse, tel que la joye, ne la cupidité tel que le contrecoeur, et ainsi des autres perturbations de l’ame, et par ce aussi que l’homme par le visage feint souvent le contraire de ce qu’il a au coeur, comme quand le coüard fait le hardi, Et cum aliquantisper naturam simulationis furca expulerit, mox illa recurrit, qui recursus est la seconde face d’iceluy. Ainsi lon dira que ce hardy feint aura de prime face estonné quelqu’un, lequel ayant reprins ses esprits, et luy donnant la chasse, devient asseuré par la seconde face d’iceluy, qui est la vraye face de coüard. Car du naturel de ces manieres de parler, de prime face, de primsaut, de primfront, d’entrée et d’abordée, est à presupposer la suite du contraire, Il m’a de prime face fait peur, mais apres je me suis rasseuré. Il m’a de primsaut resjouy, mais apres il m’a bien contristé. Les mutations doncques du visage, ont donné cours à ces manieres de parler. On peut dire aussi la raison de ceste maniere de parler de prime face proceder de l’ambiguité et du bransle de la veuë et jugement de celuy qui advise de loing quelque chose, ou apres s’estre passé long temps qu’il ne l’a veuë, et ainsi se rendroit en Latin, Primo aspectu, primo intuitu, comme, De prime face il m’a semblé estre un cheval, ou estre mon cousin, Primo obiectu, vt primum nutu obiectus est, equum aut sobrinum esse censui, Ce qui peut estre entendu ou avec ladite presupposition de la suyte de l’opposite, ou bien aussi absoluëment sans icelle adversative, comme, De prime face je l’ay recogneu, Prima facie, prima fronte illum agnoui, Car il n’est pas necessaire que l’adversative y soit annexée. Et ce qu’elle y est presupposée, est ce que le Jurisconsulte dit hôs épi to pléiston, par ce qu’elle y est le plus souvent. De primfront acut. C’est à dire d’abordée, Prima fronte, Quintil. lib. VII. cap. 11. desquels deux mots cestuy-ci est composé par apocope de la voyelle A, et a aussi ceste maniere de parler ladite energie de presupposer la suyte du contraire, et un usage absolu sans ladite presupposition: voyez De prime face. De primsaut, acut. C’est d’abordée, d’arrivée, comme si vous disiez Primo saltu, Desquels deux mots il est composé par apocope de la voyelle o, et en est la metaphore prinse de ceux qui saillent (c’est à dire sautent) et doublent le saut pour ou attaindre en haut, ou franchir un espace en longueur, car s’ils n’attaignent ou franchissent du premier sault ce qu’ils veulent attaindre ou franchir, ils taschent d’y recouvrer par un deuxiesme, troisiesme et autres sauts. Et est ceste maniere de parler usitée tant avec presupposition de suyte du contraire, comme, De primsaut je luy ay fait peur, mais il m’a bien fait prendre la guarite et fuyr à vau de route, Primo quidem assultu illum perterrefeci, verum ille mox me in fugam effusam coniecit, Et absoluement sans ladite presupposition, comme, De primsaut je l’ay conquis, Primo assultu manucepi, deuici, Car il n’est necessaire en tel exemple que le contraire, assavoir, qu’il me soit eschappé, ou autre telle chose se soit ensuyvie, voyez De prime face. Dé, Cerchez Det. Dé à coudre, Digitale, B. Dactylium, voyez Dey. De loisir, Cerchez Loisir. DE, prép. [e muet. Dans les Provinces méridionales, plusieurs le prononcent comme un é fermé, dé: c’est un des défauts les plus comuns de la prononciation gascone.] I. Cette préposition sert à exprimer plusieurs raports: 1°. La matière dont une chôse est faite. « Une tabatière d’or. 2°. Une partie de la chôse; un morceau de pain. 3°. L’apartenance, les OEuvres de Boileau, la maison de Charles. 4°. La relation, Alexandre, Fils de Philipe. 5°. Il s’emploie pour pendant, ou durant: « Il est parti de jour; il est arrivé de nuit; pour touchant~, sur: Parlons de cette afaire; pour à cause: Je suis charmé de sa fortune; pour aûtre: « Un ambitieux ne connoît de loi (pas d’aûtre loi) que celle qui le favorise. Massil.; pour parmi: « De ces orâcles… il y en avoit auxquels il falloit se préparer par des jeûnes: « De ceux (de ces Temples,) Julien s’ appliqua à en rétablir le plus qu’il put. Fonten.; au lieu de pour. « Vous ne le connoissez que de l’avoir rencontré dans la rue. Mariv. Rem. * On disait aûtrefois, de moi, à la tête de la phrâse, au lieu de pour moi. « De moi, dit Voiture, je souffrirois volontiers d’être vaincu, puisque ce sera de vous. On dirait aujourd’hui, pour moi; par vous. ? * Malherbe se servait volontiers de cette façon de parler, et en prôse, et en vers. De moi, que tout le monde à me nuire s’apprête; De moi, c’est chose certaine… De moi, je suis combattu~. Vaugelas estimait que, de moi était plus consacré à la poésie; et que pour moi était plus de la prôse. Malherbe cependant s’est servi du dernier dans ce vers: Pour moi, dont la foiblesse à l’orage succombe. Et Ménage se vante de l’avoir suivi, dans son Églogue intitulée, Christine. Pour moi, de qui le chant n’a rien de gracieux. c’est ainsi qu’il faut dire. Déjà, depuis long-tems, de moi n’est plus en usage, ni en prôse, ni en vers: il est cependant plus doux que pour moi, et l’on aurait dû le conserver. « Il y avoit à gagner, dit La Bruyère, à dire de moi, au lieu de pour moi, quant à moi. * Aûtrefois aussi, on employait plus souvent qu’ aujourd’hui la prép. de, au lieu d’avec, ou de par. On est plus réservé à présent. Des biens de l’étranger, cimentons nos plaisirs. Rouss. « De ma lance, je renversai le Fils du Roi. Télém. « Vénus s’avançoit… d’une démarche légere. Ibid. « Loup affamé, qui, d’une gueule béante, s’élance pour les dévorer. Ibid. Allez, belle Junie; et d’un esprit content, Hâtez-vous d’embrasser ma Soeur, qui vous attend. Rac. Mais, d’un sort si cruel, la Fortune me joue. Id. Vaincu du pouvoir de vos charmes. Id. Et d’un sceptre de fer, veut être gouverné. Id. Il y a des endroits, dit d’Olivet, où cela paraît, aujourd’hui du moins, avoir quelque chose de sauvage. Bossuet a dit aussi: « Le Troupeau, racheté d’un si grand prix; et Mde de Sévigné: « M. de Coulanges vous dira de quelle grâce le Roi a fait cette action. 6°. De, est aussi prép. de lieu. De, marque le lieu que l’on quitte, et à le lieu, où l’on va: « Il est parti de Paris, il est alé à Rome. « Les éclairs fendoient la nue de l’un à l’autre pole. Télém. De Paris jusqu’à Rome, Le plus sot animal, à mon avis, c’ est l’homme. Boileau. 7°. Il est encôre prép. de temps: « De la bataille de Pharsale à celle d’Actium, il y a 17 ans. ? Il se dit pour dès: « De cet instant les loix étoient suspendues. Linguet. 8°. Il entre dans plusieurs adverbes: De près, de loin, de travers, de côté, de concert, de çà, de là, etc. etc. II. De, sert à marquer le génitif et l’ablatif, soit~ seul, soit avec l’article. 1°. Il se met sans article avec les génitifs singuliers des noms comuns et apellatifs, lorsque ces noms sont employés d’une manière vague et indéterminée, ou qu’ils ne marquent qu’une portion, une partie: Un grain de bled, un muid de vin: Avoir besoin d’argent: Incapable de lâcheté. Faire des actions de vertu. = 2°. De, s’emploie à l’acusatif singulier, avec l’article défini, devant les noms masculins qui comencent par une voyelle, et devant les noms féminins, lorsqu’il est pareillement question de désigner une portion de la chôse signifiée. « Emprunter de l’argent, avoir de la joie. = 3°. Il s’emploie aussi au même acusatif, mais sans article, lorsque le substantif est précédé de son adjectif: Doner de bon argent; manger de mauvais pain; boire d’excellent vin. = 4°. Il s’emploie encore seul, dans le même sens, au nominatif et à l’acusatif pluriel des noms comuns, lorsqu’ils sont précédés de leurs adjectifs. « De grands Philosophes tiènent que, etc. D’habiles gens ont cru que, etc. On dit, des hommes très-savans, et de savans hommes. ? Racine a manqué à cette règle. Il dit, dans Mithridate: Qui sait… si ce Roi N’accuse point le Ciel, qui le laisse outrager, Et des indignes Fils qui n’osent le venger? Il est clair qu’en cet endroit, il falait, d’indignes Fils, qui n’ôsent, etc. M. Racine le Fils atribûe cette faûte à l’Imprimeur; et il soupçone que son Père avait écrit, deux indignes Fils. 5°. De ou des s’emploient aussi à l’acusatif, après certaines prépositions, en diverses phrâses, où le sens est indéterminé; avec cette diférence que de, comme nous l’avons dit, se met devant les adjectifs, qui précèdent immédiatement leurs substantifs, et des devant les substantifs, quand les adjectifs sont après: « Avec de grandes peines; avec des peines infinies; après de longues remises; après des remises considérables. ? Dites en de même de la prép. de combinée avec l’article: avec du bois; avec de l’argent; dans du foin, dans de la paille; pour du pain; sur du marbre, etc. 6°. De sert encôre tout seul à marquer le génitif pluriel des noms communs, soit précédés, soit suivis de leurs adjectifs; actions de gens hardis, d’habiles gens, etc. 7°. De, précédé de la prép. à sert à marquer le datif, singulier ou pluriel, des noms pris indéterminément, avec cette distinction, qu’au singulier, il est toujours suivi de l’article, et qu’au pluriel il s’emploie sans article: S’amuser à de la canâille; ne tient-il qu’à de l’argent? Avoir afaire à de braves gens; s’apliquer à de grandes chôses. Quand l’adjectif est après, on dit, à des: À~ des gens honêtes, à des chôses utiles, etc. 8°. De sert à désigner l’ablatif des noms communs, pris indéterminément: agir de tête; payer d’esprit; parler d’afaires, etc. 9°. Pour les noms propres, de n’est la marque que de leur génitif ou de leur ablatif. De Louis, de Paris: Le regne de Louis XIV; il le tenoit de Voltaire; la Ville de Paris; il vient de Paris, etc. 10°. De se met aussi devant l’infinitif des verbes; achever de dire, tâcher de faire. 11°. De régit ces six prépositions: entre, après chez, avec, en, par: l’un d’ entre eux; d’après l’original; de chez vous; d’avec lui; d’en haut, d’en bâs; de par le Roi, etc. etc. Rem. Cette préposition de semble braver la Gramaire dans des phrâses du style famil. « Un honête homme de père, dit Molière dans l’Avare. « Un fripon d’enfant; un saint homme de chat, dit La Fontaine dans ses Fables. C’est un latinisme, et il y en a des exemples dans Plaute et âilleurs. « Scelusviri, monstrum mulieris. D’OLIV. III. La place naturelle de la prép. de, est d’être près du nom ou du verbe qui la régit. Quelquefois pourtant c’est une élégance de la faire précéder, et de la mettre même à la tête de la phrâse; non seulement devant des superlatifs (de tous ceux-là le rouge me plait le plus) mais encôre dans d’aûtres ocasions. « D’un troisième, qui, importuné d’un ami paûvre, lui donne quelque secours, l’on dit qu’il achète son repos, et nullement qu’il est libéral. La Bruy. « Chevalier dégénéré! De vengeur de J. C. tu étois devenu, par un indigne échange, l’esclave d’une créature rebelle à son Auteur. Jér. Dél. ? M. Linguet y ajoute en: « De forces maritimes, vous n’en avez point: de forces terrestres, vous en avez peu. ? Cet en est nécessaire dans cet endroit et d’autres semblables, comme le, la ou les; quand le régime direct est à la tête de la phrâse. « Ces tableaux qu’on a exposés, comment les trouvez-vous? DÉ. Cette particule entre dans la composition de plusieurs mots, et signifie ordinairement privation, retranchement: ainsi, débarrasser, c’est ôter l’embarrâs; débarquer, c’est mettre hors de la barque, du vaisseau, etc. Cette particule porte d’ordinaire l’ accent aigu. Vaugelas a fait une remarque curieûse sur ces composés, où la prép. dé emporte le contraire de la signification du simple. Il en produit pour exemple debrutaliser, qu’avait fait Mde. de Rambouillet. Le décatoniser de Scarron n’est pas moins heureux pour dire, rendre capable de faire rire un Caton, un homme grâve. Et l’on n’a pas désaprouvé, dans Molière, l’endroit où Sosie dit à Amphytrion: La rigueur d’un pareil destin, Monsieur, aujourd’hui nous talonne, Et l’on me dés-sosie enfin, Comme on vous désamphitrione. Voy. La Monnoie, Glossaire alphabétique. ? Nous ajouterons ici que tout cela n’est bon que pour le burlesque et le bâs comique, où l’on a la liberté de forger des mots. Dans le style sérieux, il ne faut se servir que de ceux qui sont en usage. DÉ, s. m. [é fermé.] Petit morceau d’ôs ou d’ivoire, de figûre cubique, à six faces, dont chacune est marquée d’un diférent nombre de points, depuis un jusqu’à six, et qui sert à jouer. « Jouer aux dés, aux trois dés. Piper les dés, etc. On dit, proverbialement, à vous le dé, c’est à vous à parler, à agir. ? Il ne faut pas flatter le dé; il faut agir rondement, et avec franchise. ? Tenir le dé, se rendre maître d’une conversation. ? Faire quitter le dé à quelqu’un, l’obliger à céder, à se désister. ? Le dé ou le sort en est jeté, la résolution en est prise: jacta est alea. ? Beaucoup de dé, profit considérable, heureûse aventûre: « Le beau pays, et la jolie petite terre! Il ne faut qu’une tête qu’elle ne soit à vous: ce seroit un beau coup de dé. Sévigné. DÉ, en Architectûre, cube de pierre, ou de toute autre matière, qui fait la partie du milieu d’un piédestal. ? Petit cube de pierre sur lequel on met des vâses. DÉ, Instrument de cuivre ou d’autre métal, dont on se couvre le doigt pour pousser l’aiguille en cousant.